décortiquer l'image
Dans les arts, de manière générale, existe un code de
représentation qui permet de se faire reconnaître.
Un artiste utilise un langage qui n'est pas que le sien. N'oublions pas que
l'objectif (souvent non formulé) de tout artiste, est de COMMUNIQUER. D'où la
nécessité d'utiliser un langage partagé ne serait-ce que par une minorité (une
élite), pour se faire reconnaître et exister en tant qu'artiste et en tant
qu'Homme.
Cette prérogative vaut autant pour les architectes.
Leurs langages a cependant changé de matière. Il fut longtemps transcris sur la
pierre, il devient aujourd'hui abstrait, immatériel, numérique.
L'oeuvre, n'étant plus le bâtiment projeté, mais bel et bien la représentation
du bâtiment par des documents graphiques et textuels ( le bâtiment en tant que
tel est seulement suggéré, voire utilisé comme prétexte à l'élaboration d'une
"oeuvre" numérique qui se substitue à l'objectif initial qui est le
bâtiment).
Les jurys considèrent aussi qu'un bon projet ne peut pas se passer d'une bonne
représentation ( ce que l'on appelle "rendu" dans le jargon des
archis). Cette relation d'équivalence entre la pertinence d'un projet et de sa
représentation focalise l'attention et l'énergie des architectes sur les
rendus au détriment du projet.
On en arrive à la situation où finalement le travail d'un architecte revient à
collectionner des images, des revues ou des textes à la mode. Le moyen se
confondant ainsi avec l'objectif.
Soit. Cette situation est connue de tous, je n'apporte rien de nouveau, sachant
que le culte de l'image n'est pas exclusif qu'à l'architecture.
Cependant, ce que je remarque, c'est l'abondance des talents non de
l'architecture mais de l'imagerie.
Les courbes d'évolution des uns est inversement proportionnelle à celle des autres. Elles font un
"x". Elles se croisent au moment où l'informatique émerge dans les
agences.
Ceux qui ont compris l'enjeu ont très vite fait appel à des professionnels de
la pub qui savent vendre par l'image.
Chez les étudiants d'archi, ceux qui ont senti le virage ont misé sur les
logiciels 3D plutôt que sur les lectures savantes.
Certains heureusement, ont su par cet outil, mieux exprimer leurs projets.
D'autres et ce sont les plus nombreux, ont appris comme les publicitaires, à
vendre des slogans, des logos, par leurs outils en oubliant l'essentiel.
Je ne parlerai pas de ceux qui ont boudé l'informatique, et qui malgré leur
talent en architecture, se sont retrouvé exclus du jeu.
Tel est le constat que je fais du métier d'architecte.
Cependant je considère qu'à partir du moment où l'image est devenue si
importante, il faudra alors en tenir compte et commencer sérieusement à étudier
tous les outils qui la générent et toutes les sources qui l'inspirent. Il
s'agira de la remettre à sa juste place après l'avoir décortiqué...
Je ne sais pas comment.